«Let me give you a piece of advice: be honest. He knows more than you can imagine.»
(Trinity à NEo, à propos de Morpheus – The Matrix, 1999)
Page créée en juillet 2011, modifiée le 29 juin 2014.
Quelle formidable expérience il m’a été donné de vivre : cette sensation d’être appelé par un être qui sommeil au plus profond de soi, par une partie de soi que, au fond, on a toujours connue mais que l’on a mise, sinon à mort, du moins au placard. En retrouvant en pleine conscience cette part de soi, on découvre qu’elle est directement connectée au principe de l’existence, au souffle de la création qu’elle nous révèle à mesure que l’on reprend contact avec elle.
Cette expérience intérieure, vécue au fil des siècles par tant d’humains, hommes ou femmes, a naturellement suscité une grande variété de récits, souvent par le recours à des métaphores en phase avec la culture ambiante. D’ailleurs, il faut plutôt parler de catégorie d’expériences tant le déroulement peut être vécu et interprété différemment d’un individu à l’autre, d’une culture à l’autre.
Reste que l’on retrouve un point commun à toutes ces expériences : le sentiment d’entrer en relation intime avec un principe sublime, majestueux, éblouissant, source d’une connaissance intuitive.
A ce sujet, j’ai trouvé très éclairants les nombreux témoignages exposés par William James dans La Variété des Expériences Religieuses (The Varieties of Religious Experience – 1902) ou encore dans Le Livre des Sagesses – L’Aventure Spirituelle de l’Humanité – (Ysé Tardan-Masquelier – Frédéric Lenoir – 2002)
Le sentiment de compréhension globale et intuitive est un des aspects particulièrement saisissant de cette expérience. C’est la teneur de « révélation éblouissante » du phénomène : comme si un travail sous-jacent de contemplation et réflexion sur le monde et sur soi aboutissait, soudainement, à une vue cohérente -mais non formulée- qui intègre les multiples facettes de l’existence a priori déconnectées. Il ne fait aucun doute pour moi que ce type de phénomène est d’ordre psychique et s’inscrit dans le domaine de la cognition : l’intuition -c’est-à-dire la faculté non consciente et non formalisée d’intégrer un vaste champs de perceptions dans un tout cohérent- est un mode de compréhension, un mode d’intelligence. Ainsi, je partage tout à fait l’idée exprimée par Bergson lorsqu’il écrit dans L’Évolution Créatrice : « Alors l’Absolu se révèle très près de nous et, dans une certaine mesure, en nous. Il est d’essence psychologique, et non pas mathématique ou logique. Il vit avec nous. » Et, comme Bergson le souligne, ce sentiment découle d’une attitude qui cherche à « voir pour voir, et non plus de voir pour agir ». Or il se trouve qu‘une telle attitude n’est pas commune et qu’elle ne se décrète pas.
Parmi les ‘évidences’ qui se sont imposées à moi, je voudrais mentionner :
- le sentiment intense d’une connexion profonde entre les êtres vivants, en particulier entre tous les humains ;
- la conviction que, à chaque instant de sa vie, chacun fait exactement ce qu’il peut et est digne d’estime ;
- la perception d’un processus de déploiement de la conscience, tant à l’échelle individuelle qu’à l’échelle des sociétés humaines.
Un autre aspect de cet éveil a été, pour moi, la découverte que je voyais le monde à travers un « filtre ». Je prenais cette perception pour le monde tel qu’il était alors qu’elle correspond à un état de compréhension, état -plus ou moins conceptualisé- susceptible d’évoluer et de s’enrichir. (À propos des croyances).
J’ai trouvé dans le film The Matrix l’expression artistique la plus contemporaine de l’aventure que j’ai vécue. J’ai découvert ce film en mars 2000, alors que j’avais moi-même choisi de suivre, depuis quelques mois, l’appel du « guide intérieur » qui m’invitait à aller « au fond du gouffre ». J’étais déjà entré dans la phase critique de déconnexion totale, de mise en roue libre, de « lâcher prise » et de disponibilité à l’émergence d’une nouvelle vision de l’existence si bien évoquée dans le film. Je me suis senti particulièrement concerné par cette œuvre magistrale (sortie en 1999, le week-end de Pâques aux États-Unis – tout un symbole !). J’ai également beaucoup apprécié l’intelligence des volets suivants –Matrix Reloaded et Matrix Revolutions– même si je les ai trouvé moins réussis sur le plan cinématographique.
D’autres œuvres ont résonné en moi durant ma phase d' »approche mystique » (octobre 1998 – juillet 2000) :
- Citadelle, Antoine de Saint-Exupéry, 1946 ;
- Ray of Light, Madonna, 1998 ;
- La Guerre et la Paix, Tolstoï, 1869 ;
- Demian, 1919 et Siddhartha, 1922, Hermann Hess.
J’ai également relu L’Œuvre au Noir (Marguerite Yourcenar, 1968), roman dont je m’étais délecté quelques années auparavant sans pourtant en saisir la substantifique moelle !
Il me paraît important de souligner que le caractère imposant du sentiment de révélation incite à prendre sa teneur pour une vérité absolue. Avec le recul, je pense que c’est là un travers sur lequel l’humain doit apprendre à progresser, en particulier grâce à l’expérience des prédécesseurs ! Pour ma part, j’ai été très tenté d’expliciter ce que je percevais dans une grande synthèse mystique définitive. Or, avec le recul disais-je, il y a beaucoup de points qui méritaient d’être examinés, affinés voire reconsidérés par une démarche d’explicitation et de raisonnement critique (cf. E-Force). L’intuition est une source précieuse de compréhension mais elle n’en a pas moins ses biais et ses limites.
Reste que, plus d’une dizaine d’années passées, je considère toujours que les « crises de révélation » ont constitué dans ma vie une transition majeure par laquelle j’ai accédé à un regard radicalement différent et surtout plus éveillé sur le monde et ma place. Quant au sentiment de connexion à une « source », il est toujours aussi intense et m’accompagne chaque jour.