Par le mot croyances -pris dans le sens anglo-saxon de « beliefs »- on désigne l’ensemble des constructions mentales -implicites ou conceptualisées plus ou moins formellement- au travers desquelles l’individu rend le monde intelligible.
Qu’elles émanent des sphères empiriques, religieuses, philosophiques ou scientifiques, ces constructions permettent à l’individu de se représenter le fonctionnement du monde et en particulier les liens de cause à effet qu’il y trouve. Autrement dit, les croyances d’un individu correspondent à sa compréhension du monde. Elles constituent ce qu’on désigne habituellement par la « mentalité ».
Alors que celles-ci, tout comme le monde matériel, sont des constructions finies, imparfaites et transitoires, l’individu à tendance à s’y accrocher, convaincu parfois que ses croyances sont ultimes et constituent la fameuse vérité.
La tendance de l’humain à être esclave de ses croyances est compréhensible. D’une part, elles sont une part essentielle de son identité. D’autre part, des cadres conceptuels communs sont nécessaires pour l’organisation et les décisions d’un groupe. La forme des sociétés humaines, leurs institutions, dépendent du corpus de croyances en place. Vivre en société nécessite de se soumettre, dans une certaine mesure, aux croyances qui ont cours.
Les enfants s’imprègnent des conceptions ambiantes. En grandissant, ils les remettent plus ou moins en question, selon leurs propres expériences, leurs facultés cognitives, l’intensité de leur sentiment de « dissonance cognitive » et la rigidité du système en place.
Tant à l’échelle individuelle qu’à celle sociale, il est manifeste que la remise en question d’une croyance peut être douloureuse et nécessite une forme de deuil. A chaque échelle, le processus implique de défaire des liens. Au niveau individuel, on conjecture des remodelages des connexions cérébrales. Au niveau d’une société, ce sont des liens sociaux qui doivent être défaits pour permettre une ré-organisation. Pour éviter cette douleur, un comportement alternatif est le déni des expériences qui inciteraient à la remise en question.
Il me semble que dans l’histoire de l’humanité, la prise de conscience du poids des croyances et l’explicitation de la dynamique selon lesquelles elles évoluent est très récente. J’ai tendance à croire (!) que rien n’a été écrit dans le monde sur ce sujet avant le 17ème siècle mais je suis curieux de creuser ce point. Au 20ème siècle, un livre à ce sujet est sorti du lot, à propos de l’évolution des théories scientifiques : La structure des révolutions scientifiques de T. S. Kuhn (1962).
Quoiqu’il en soit, la compréhension empirique de ce phénomène et son utilisation, plus ou moins consciemment, à des fins de manipulation des congénères remontent sans nul doute à des époques bien antérieures. Rien de tel, pour asservir un groupe ou une population, que d’abuser de la confiance et diffuser des croyances fausses !
« Like everyone else you were born into bondage. Into a prison that you cannot taste or see or touch. A prison for your mind. »
(Morpheus à Neo – The Matrix, 1999)